ANECDOTES ARTISTIQUES #8

PICASSO X-RAY

Un jeune photographe Xavier Lucchesi vient me voir après un stage effectué en Russie, au moment où le pays abandonne le régime communiste. Il a réuni des insignes militaires, des objets usuels, symboles d’une époque qui allait disparaître et les a fait radiographier dans un hôpital.

Ces images m’interpellent et font penser aux travaux des biologistes du début du siècle, ces merveilleuses images de plantes par XRay.

Steven N Meyers, Albert Koetsier (Flowers spirit) entre autres. 

Cette technique intéresse de plus en plus les artistes à partir des années 70. Comme cet inoubliable autoportrait de Meret Oppenheim.

 
Meret Oppenheim - X-ray of My Skull 1964; printed 1981

Meret Oppenheim - X-ray of My Skull
1964; printed 1981

 

Au moment de notre rencontre, je collabore avec l’Administration Picasso qui m’accompagne dans l’édition des objets sous licence, destinés aux boutiques des musées nationaux.

Je pense « Picasso » et aux textes de son fils Claude où il évoque les objets hétéroclites ramassés par son père dans les décharges pour élaborer une sculpture, en général en plâtre.

Voir ce qui se cache à l’intérieur de ces sculptures me semble intéressant. Nous contactons les Laboratoires du Louvre pour obtenir leur assistance technique. 

La nouvelle directrice du Musée Picasso, Anne Baldassari se montre enthousiaste.

Étant donné les conditions difficiles de la manipulation des sculptures, la production dure une année entière. Elles sont très fragiles, ne peuvent être touchées que par des spécialistes et on ne peut travailler qu’en dehors des heures d’ouverture du musée, ce qui implique des heures supplémentaires pour le personnel etc.

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Les techniciens des Laboratoires du Louvre arrivent le soir et bombardent chaque œuvre avec des rayons X. Le premier cliché-test est développé dans les toilettes du musée. 

L’exposition est annoncée pour le mois de septembre 2007. Les finances du musée s’avèrent insuffisantes, et il nous incombe de chercher des partenaires. Nous contactons en premier la banque Natexis. Le mot de la communication de la banque est à cette époque « Voir à travers » : ça tombe bien.

La société Siemens en apprenant le projet, souhaite en faire partie et propose une démonstration de nouveaux logiciels qui permettent de voir le chemin d’une matière pénétrant une autre, comme les structures métalliques ou en bois recouverts de plâtre.

Il me semble que cela peut être un bon moyen de voir mieux les détails de la construction interne.

Siemens rejoint l’aventure, apporte son énorme machinerie dans un gigantesque camion, qui bloque la rue adjacente du musée avec l’assistance des gendarmes pendant quelques jours.

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La « sympathique » chouette surprend par la violence des gros clous plantés dans son assemblage.

Dans une sculpture en plâtre de Marie-Thérèse avec un nez et les seins proéminents figure une silhouette fragile en métal d’une danseuse. Inconscient de l’artiste toujours marié à Olga et amoureux de Marie -Thérèse qui s'exprime ? La volonté de cacher une femme qu’il souhaite quitter ? Ou simplement un soutien d’une sculpture qu’il a pu acheter chez Sennelier, son fournisseur ?

Les photographies obtenues par la technique de scan, rappellent des images de Georgia O’Keeffe qui portent une note que je lis comme « érotique ».

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L’aventure est passionnante, l’exposition très réussie et le catalogue édité par les Beaux Arts.

Les photographies, en très grands formats partent à Shanghai en 2010 à l’Exposition Universelle. Un petit orchestre de musique de chambre accompagne le vernissage et nous avons tous une fleur blanche épinglée aux revers de nos vestes.

Basia Embiricos

Shanghai, exposition Picasso XRAY 2010

Shanghai, exposition Picasso XRAY 2010

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