ANECDOTES ARTISTIQUES #6

HENRI CARTIER-BRESSON
Les choux farcis

 
Martine Franck et Henri Cartier-Bresson photographiés par André Kertesz avec l'appareil de Martine Franck, 1980

Martine Franck et Henri Cartier-Bresson photographiés par André Kertesz avec l'appareil de Martine Franck, 1980

 

Par des croisements matrimoniaux, je me trouve être une pièce « rapportée » dans le cercle familial du célèbre photographe.

Mon admiration pour son œuvre photographique l’agace. Il se dédie à cette époque quasi-complétement au dessin

Dessins assez académiques, au pastel ou au crayon ; des séries de carcasses d'animaux préhistoriques du Musée des Sciences Naturelles, les paysages du midi, ou ceux vu de sa fenêtre. La dernière exposition à la Grande Bibliothèque à Paris, montre en grande partie ses dessins… une plus petite partie est consacrée à la photographie.

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Teresa, une amie polonaise, est la championne de la cuisine typique et maître incontesté d’un plat mémorable : les choux farcis au sarrasin et cèpes.
Henri fait partie des aficionados.

Quelques mois avant sa disparition, j’organise un diner avec sa spécialité favorite.

Il arrive tôt, déjà avec une canne, enlève son lourd manteau en loden, refuse de se faire aider pour l’enlever.

Les choux sont servis : magnifiques, parfumés.

Soudainement j’entends Henri Cartier-Bresson parler polonais !

Pas véritablement parler, mais jurer avec des mots des plus orduriers, que je ne pourrais prononcer moi-même ! Whoww !

Mes convives ne partagent pas ma langue et seule Teresa montre des signes d’émotion en rougissant, un ange passe.

Et Henri raconte son départ pendant l’occupation allemande avec d’autres jeunes gens en STO (Service du Travail Obligatoire) pour travailler dans une usine d’armement située en Pologne occupée.

Les Polonais raflés sur place lui ont appris des mots « essentiels » dans cette situation fraternellement partagée.

Il raconte ensuite sa fuite, et toutes les aventures pour arriver en zone libre…Il dit « les Polonais, eux n’avaient que leur travail pour survivre : ils n’avaient plus de pays ».

Martine Franck, sa femme présente à ce diner disait ne pas connaître ce chapitre.

Henri, fier de sa mémoire, a réitéré au dessert encore le même chapelet de jurons savoureux. C’était le gâteau aux pavots.

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Basia Embiricos



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