ANECDOTES ARTISTIQUES #4
DAVID LYNCH A LODZ
Les rencontres, les mystères de la vie.
Après quelques années consacrées à l’édition des objets des musées, débuté à L.A. et ensuite en France pour la Réunion des Musées Nationaux entre autres, je décide de changer et trouve un local qui me semble être parfait pour ouvrir une galerie. Mes domaines de prédilection : photographie et design. Je cherche un début, une idée, un signe.
Pendant un voyage à LODZ, ma ville natale en Pologne je fais une découverte qui décide de la suite des évènements.
LODZ, située au cœur du pays, fut le centre de l’industrie textile et a connu son époque de gloire à la fin du siècle dernier. (Voir le film de Andrzej Wajda « La ville de la grande promesse »)
Elle abrite depuis la seconde guerre mondiale (Varsovie étant rasée de la carte), une excellente Ecole des Beaux Arts (dont je suis diplômée), le seul musée d’art contemporain des pays communistes et une Ecole de Cinéma non moins renommée.
J’y retourne de temps à autre, après la fin de la sombre époque de domination soviétique.
Lors d'un voyage, je découvre la Fondation Atlas Sztuki instaurée par des amis (Atlas de l’Art). Pendant leurs années d’études, ils partaient en Suède gagner de quoi les poursuivre en travaillant sur les chantiers…Créatifs, ils inventent des nouvelles technologies de construction et deviennent grâce à l’évolution du système politique, une grande entreprise.
Ils fondent immédiatement une galerie et exposent des artistes renommés : Roman OPALKA, Ilya KABAKOV entre autres.
Devant l’entrée, je vois un énorme calicot : « DAVID LYNCH »…Le metteur en scène d’Elephant Man, Blue Velvet, Mulholand Drive, Twin Peaks, la palme d’or à Cannes… …si connu, que fait-il à LODZ en 2003 ?
Andrzej Walczak et Jacek Michalak, fondateurs du lieu racontent.
Comme d’usage, l’Ecole de Cinéma invite des professionnels du monde entier chaque année. Cette année, c’est David Lynch. L’artiste découvre et adore la ville, photographie ses lieux sombres, ses usines abandonnées, ses cités ouvrières… Au Conservatoire, organise quelques castings, prend des photos des comédiennes.
La Fondation Atlas découvre ses photographies et lui propose une exposition qui « raconte » la ville.
Lynch n’y croit pas vraiment, se dit peintre avant tout. Ses tableaux arrivent alors de Californie…Mais ce sont les photographies qui m’interpellent.
Les images exposées sont en noir et blanc, de petits formats. L’ensemble fait penser à celles des années 60. Quelques tableaux de grandes dimensions complètent l’ensemble.
Pour l’ouverture de ma galerie dans le Marais, je décide de montrer ces photographies qui me touchent profondément, rappellent les lumières de cette époque, mes déambulations, jeune fille dans cette ville magique !
Et très heureuse j’inaugure la galerie avec les photographies de ma ville natale par le cinéaste mondialement reconnu.
Sa passion pour ces lieux dure pendant des années. Les scènes d’un de ses derniers films Inland Empire sont tournées ici en 2006. Dans une de ses interviews il parle de LODZ comme « de sa ville favorite dans le monde »…
Le temps passe.
Plus tard, lors de sa rétrospective à la Maison Européenne de la Photographie, je lis sa date de naissance dans un catalogue : c’est exactement la mienne !…
Ce soir, il m’appelle : « My twin »… mon jumeau ! »
Étrange et émouvant.
Ces synchronicités selon Carl Gustav Jung, les hasards des rencontres et des lieux qui font sens, donnent parfois la réponse que l’on cherche en une fraction de seconde sont fascinantes.
Chacun de nous peut en citer certainement quelques unes…
Depuis, David Lynch vient souvent à Paris et travaille dans l’imprimerie IDEM qui grâce au caractère et à la détermination de Patrice Forest, un véritable passionné, devient le point de ralliement des nombreux artistes.
Lynch y est « chez lui » et réalise tout au long des années des lithographies sur les magnifiques machines d’imprimerie, venant des anciens ateliers MOURLOT, qui ont bien connu les mains de Picasso, Matisse, et Chagall.
Basia Embiricos