“3 RomantiQ”
photocollages de Mylène Vignon, Sidony Cloud, Justine Fournier

EXPOSITION
06.01.2024 - 27.01.2024

CONCERT
«The Misfits Trio » samedi 13 janvier de 17h à 20h

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Les trois artistes offrent ainsi des échantillons d’extase qui font fi des canons d’une beauté définie par le seul regard dominant. Les ciseaux ont quitté depuis longtemps les boîtes à couture pour découper les lettres anonymes que l’on adresse aux corps convoités. Les femmes photocollagistes ont la fougue des « pussy riot » et forment entre-elles une tresse dont les brins peuvent se transformer en fouet. L’exposition forme une grenade chorale dégoupillée, face à laquelle on prendra garde de ne pas oublier que tout travail de découpe est suivi d’un réajustage chimérique.

Autant dire que ce qui fait mal offre aussi l’occasion de se réparer. "Les trois propositions des photocollagistes composent un menu offert dans le secret d’un désir, où la manne clandestine s’échange symboliquement non sans vous mettre l’eau à la bouche » 

Faut-il voir dans cette exposition de trois photo- collagistes le symptôme d’un regain du genre dans la création contemporaine ? Issu de l’histoire des avant-gardes, mais tout aussi bien de pratiques vernaculaires, le photocollage a connu ses heures de gloire lors des avant-gardes historiques (de Dada au Surréalisme), puis aux grandes heures de la contre-culture des années 1960-70, où l’ico- nographie médiatique passée au scalpel a servi à délivrer des messages contestataires. Aujourd’hui, essentiellement pratiqué par des artistes femmes, le photocollage réapparaît avec une vigueur inattendue. Alors que l’époque nous cantonne à l’autocensure, de nouvelles générations partent au combat. Le craftivisme – cette attitude associant pratiques domestiques revisitées et militantisme – ne pouvait pas ignorer les vertus du découpage et du recollage des images véhiculant nos stéréotypes. Il n’est donc pas étonnant de voir que le corps y est mis à l’honneur. À l’heure où les genres sont bousculés, les rapports de séductions repensés, les formes désirantes se renouvellent avec éclats.

Le photocollage est la forme plastique des mani- festes. On peut y jouir des luttes de façon inédite, en provoquant nos habitudes et convenances. Voici des poses à la luxure inattendue, des organes qui fleurissent et se coulent dans de tendres pliures, des couleurs de carnations qui inversent les jours en nuits, des fruits qui peinent à cacher leur union avec le péché. C’est la corne d’abondance de l’irré- vérence qui se déverse dans nos yeux, tout est fictif mais conduit à nous réinventer, c’est la magie du photocollage : le réel explose en potentialités où le secret des alcoves éclabousse les places publiques. Les trois propositions des photocollagistes composent un menu offert dans le secret d’un désir, où la manne clandestine s’échange symbolique- ment non sans vous mettre l’eau à la bouche. Mais attention, les photocollages ont cette particularité de cacher des épines sous les pétales, du fer sous le velours : c’est un pacte qu’il faut accepter de signer pour y trouver une façon originale d’aimer. Il en va ainsi des images orphelines vouées à de périssables destins, illustrations chics et clichés pornos peuplent la cour des miracles des images, et les voici reconvertis en petites coupures érotiques et sentimentales, en larges entailles traversant les cœurs, en messages à peine secrets déclarant leur flamme à qui brûle déjà de les toucher. Il en va ainsi de tout photocollage, il est le fruit de l’autoengendrement des images, il est la sexualité absolue de la parthénogénèse, figure improbable d’un onanisme fertile.

Michel Poivert
Historien de l’art, professeur d'université, commissaire d'exposition


Mylène Vignon

Mylène Vignon est auteure de nombreux recueils de poésie et de romans. Son expertise en art contemporain, la conduit à diriger le média Saisons de Culture depuis plus de dix ans. Elle a grandi dans un milieu artistique et a fait le choix depuis plusieurs années d’embrasser une carrière dans l’art contemporain. En 2017, elle est Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres. Depuis 2020, elle s’essaye à la discipline de collagiste, passant de la plume à l’image dans son journal qu’elle rédige au quotidien avec sa colle et ses ciseaux.

Publications
20h tous à la fenêtre. Éditions Area, 2020
La confidente des astres. Éditions Unicité, 2021
Le fil du Temps. Éditions Saisons de Culture, 2021
Les belles canapéennes. Éditions Area, 2022
Aurore. Édition Les Cahiers du temps, 2023

Sidony Cloud

À partir de magazines, d’agendas mais aussi d’ouvrages d’histoire de l’art ou de la photographie, elle découpe et reconstruit des ensembles qui prennent le plus souvent la forme de livres d’artistes de petits formats. Son univers est aussi grinçant que joyeux et, en tous les cas, volontiers provocateur. Son iconographie se plaît à déjouer les conventions et les convenances, ses travaux ont la force des tracts et la douceur du journal intime.

Publications aux éditions Tapis Roulants
Quarantaine, 2021
Cunéguonde au bord d’elle, saison I, 2022
Cunéguonde au bord d’elle, saison II, 2023
Pin Up Food I et II, 2023

Justine Fournier

Justine Fournier est graphiste indépendante dans le secteur culturel et collabore régulièrement avec des photographes sur des projets d’édition. Entourée d’images depuis toujours, elle rassemble toutes sortes de supports imprimés qu’elle accroche, empile, archive. De cette accumulation naît l’envie d’en retenir des bouts, bribes d’histoires, images oubliées, elle aime les confronter pour les détourner dans un nouveau récit. Dans cette pratique qui fait ressurgir des souvenirs d’enfance, elle trouve un moyen réjouissant de résister aux conventions, et s’ouvre un espace de liberté d’expression sans barrière ni limite, ouvert à tous les vents.